Joël-Claude MEFFRE
Herman Janssens
La couleur comme pensée du paysage
Herman Janssens pense le paysage au moyen de la peinture. Elle est l’expression même de sa pensée. Quelle est cette pensée ? Elle est celle de la couleur, matériau prépondérant qui lui permet d’élaborer, d’organiser ses jeux de formes colorées qui ont vigueur et présence exultante. Elles témoignent d’une profonde imprégnation des paysages dont le peintre explore les divers aspects, paysages dominés par la silhouette inspirante du Mont Ventoux dont il questionne les multiples facettes. Ainsi, s’affirme une pensée du paysage qui est le langage privilégié de l’artiste et témoigne d’une recherche de la justesse, de l’ équilibre, de l’expressivité.
Celui-ci ne cherche pas à imiter les composantes du ‘paysage’ comme s’il était mû par une exigence de fidélité à une réalité observée, ou animé par me seul désir d’illustration (il se saisit par exemple de la figure tutélaire du Grand Mont pour en simplifier la forme à l’extrême et en décliner les figure comme s’il s’agissait d’une sorte de dévotion sentimentale...). Le paysage réel n’est en fait qu’un prétexte, qu’un moyen d’accéder à une autre vérité qui est donc celle de la composition colorée. L’artiste y trouve l’équilibre des valeurs dans la succession des plans et des volumes. La couleur structure les formes, elle se fait montagne, houles de collines, groupes de maisons, de villages. Quant au traits noirs, ils sont le fait d’un geste vigoureux, énergique, organisant, révélant les formes constitutives du paysage, en donnant entièrement droit à la couleur qui imposent ses jeux d’opposition, ses variations de contraste, de transparence, de complémentarité. Ces mêmes traits, plus ou moins esquissés ou appuyés structurant la composition d’ensemble, évitent que le projet pictural ne bascule dans l’abstraction ou n’importe plus alors que les seuls jeux de couleur le plus souvent informels.
Les bases colorées d’Herman sont dictées par celles de la terre (l’ocre, la terre brûlée, la gamme des bruns) des arbres (les verts des pins et des vignes), des montagnes et des rochers (du violet au rouge) et des ciels (bleus céruléen souvent brouillés par d’autres teintes). Elles ouvrent un espace de reconnaissance tel qu’en regardant la peinture, c’est bien la terre, les arbres, la montagne et le ciel dont nous nous approprions la vivante texture, l’expressivité vibrante, et dont les secrets se révèlent à nous. Cette vie des couleurs au service de la forme traduit une pensée du réel émotif et ne s’accomplit que par une démarche de sincérité, d’authenticité, d’une quête de soi. Autrement dit, c’est un langage de la sensation caractérisant « une peinture du bonheur d’être, du contact avec la nature » qui est en jeu. Herman Janssens nous fait ainsi l’offrande d’une vision, c’est-à-dire d’une sensation.
Joël-Claude MEFFRE